Nous commémorons actuellement les 75 ans de la libération des camps de concentration. Le contexte sanitaire ne permet pas que les cérémonies qui étaient prévues se tiennent physiquement, dans les conditions qui avaient été imaginées, et c’est donc par les réseaux sociaux que nous pouvons nous souvenir.
Ce jour est l’occasion de rappeler la mémoire de Bernard Lacroix, L’Oublié de Dora, un jeune homme né en 1920 et détenu pendant deux ans à Buchenwald et à Dora, pour avoir voulu, en 1943, échapper au service du travail obligatoire et rejoindre les Forces Françaises Libres en passant la frontière espagnole.
Les camps de Dora et Buchenwald ont été libérés par les Américains le 11 avril 1945, mais Bernard Lacroix avait fait partie, le 5 avril 1945, des prisonniers entrainés par les Nazis dans ce que l’on a appelé « Les marches de la mort », ces colonnes où les détenus mouraient d’épuisement sur les routes, ou étaient abattus. Ces marches l’ont conduit, ainsi que plusieurs centaines de survivants, jusqu’au village d’Estedt, au soir du 11 avril. Là, dans la nuit du 11 au 12, les prisonniers ont tenté de s’échapper dans les bois alentour, mais, une chasse à l’homme s’est engagée et la plupart d’entre eux ont été exécutés et enterrés à la hâte dans un charnier. Ceux qui restaient ont été rassemblés et conduits jusqu’à la ville de Gardelegen à quelques kilomètres. Ils y ont retrouvé d’autres colonnes de prisonniers arrivés par d’autres itinéraires. En tout 1000 rescapés des camps, originaires de toute l’Europe. Le 13 avril, ces 1000 hommes, sur ordre du Kreisleiter Gerhardt Thiele, ont été emmenés jusqu’à une grange dans les faubourgs de la ville. La grange a été incendiée après que les prisonniers y aient été enfermés. Alors que le feu faisait son oeuvre, les hymnes patriotiques de toute l’Europe montaient du bâtiment en flammes.
Les Américains sont arrivés à Gardelegen le 15 avril. Les corps calcinés découverts dans la grange ont été enterrés à proximité et un mémorial a été dressé, qui peut encore être visité. Dans le cimetière, les tombes des prisonniers inhumés n’ayant pu être identifiés portent la mention « unbekannt », inconnu.
Les archives et les témoignages écrits ont permis de confirmer que Bernard Lacroix se trouvait dans la colonne des prisonniers arrivés à Estedt le 11 avril au soir. En revanche, son corps n’ayant pu être retrouvé et identifié, il subsiste une incertitude sur l’endroit exact de sa mort. Celle-ci a eu lieu, soit dans la chasse à l’homme qui s’en est suivie dans la nuit du 11 lou 12 avril, soit le 13, dans l’incendie de la grange de Gardelegen.
J’en profite pour remercier tous les contributeurs du Dictionnaire des Déportés de France passés par Mittelbau Dora et à Laurent Thierry pour le travail colossal de reconstitution de la biographie des 9000 déportés de France à Dora. Merci également à Association Française Buchenwald Dora et Kommandos et aux associations d’anciens déportés et de leurs familles pour le travail de mémoire réalisé.