Il faut remonter à l’année 1998, et à une réunion de l’Amicale des anciens déportés de Dora-Ellrich, pour trouver l’origine du projet : réunir en un seul ouvrage la biographie de tous les déportés de France passés par le camp de Dora. C’est désormais chose faite, avec la parution aux Editions du Cherche midi du Livre des 9000 déportés de France à Mittelbau-Dora. Un ouvrage de 2500 pages.
Situé en Thuringe, le camp de Dora était, pendant la Seconde Guerre mondiale, un camp d’extermination par le travail utilisé par les nazis, à compter de l’année 1943, pour fabriquer les fusées V2, censées pouvoir leur apporter la victoire finale. En tout, 60.000 déportés venant de toute l’Europe sont passés par Dora. Un tiers y sont morts. Parmi eux, 9.000 venaient de France où ils avaient été arrêtés car jugés dangereux pour l’occupant : résistants, dont beaucoup de réfractaires au Service du Travail Obligatoire, communistes, syndicalistes, hommes politiques, etc.
Après la guerre, le camp de Dora est plus ou moins tombé dans l’oubli. Et pour cause, le Directeur scientifique du programme V2, l’ingénieur Wernher von Braun, un authentique nazi, avait été exfiltré d’Allemagne par les Américains dans les derniers jours de la guerre. Par la suite, ceux-ci lui avaient même donné la responsabilité du programme Apollo, par lequel le premier être humain posa le pied sur la lune. Dans ces conditions, difficile de faire de Von Braun un tortionnaire, et de Dora un camp d’extermination.
La réalité était toute autre. Dora était un camp souterrain où l’on mourait en masse, de mauvais traitements, de maladie, d’exécutions. Les conditions de vie, ou plutôt de survie, ont été bien documentées par un ensemble d’ouvrages et de témoignages qui se sont succédé jusqu’à nous. On sait aujourd’hui ce qu’a été la réalité des persécutions qui y ont été subies.
Porté, entre autres, par le Centre d’histoire de La Coupole à Saint-Omer et par l’historien Laurent Thierry, directeur scientifique du projet, le dictionnaire biographique qui vient de paraître est un véritable monument de papier. Pendant plus de vingt-ans, jusqu’à cinquante-sept bénévoles se sont succédé pour consulter les archives historique et écrire les 9.000 monographies du dictionnaire.
L’ouvrage remplit trois fonctions. D’abord une fonction mémorielle. Il s’agit de perpétuer le souvenir de l’engagement des déportés et de leur parcours, de leur rendre hommage et de restituer aux familles – car la plupart d’entre eux sont décédés désormais – l’information qui a pu être reconstituée. Un exemplaire numéroté du dictionnaire sera remis à chaque famille retrouvée. Ensuite, le livre poursuit une vocation scientifique qui consiste, par la mise en relation de ces 9.000 parcours individuels, à dégager une analyse renouvelée des phénomènes de répressions et de persécution. Enfin, le dictionnaire a une visée pédagogique et constitue un matériau unique pour l’enseignement de la Seconde Guerre mondiale et de la déportation.
Au cours des mois qui viennent, de nombreuses cérémonies et manifestations auront lieu sur tout le territoire pour présenter le livre. Elles seront également l’occasion de débats et présentations sur les dernières données de la recherche historique dans ces domaines.